Quand je pense à tous ceux qui sont au front, à toutes les familles éprouvées, et à tous les entrepreneurs anxieux, il est clair que cette souffrance ne doit pas être vaine. Elle doit servir à quelque chose de constructif, de positif – un futur meilleur pour notre société.
L’industrie de la construction n’y fait pas exception, bien au contraire. Et si nous n’avions pas plutôt, maintenant que toutes les pièces de notre puzzle sont chamboulées, un chaos créant une occasion unique de façonner notre industrie? Une chance inouïe de définir, collectivement, une nouvelle normalité? Avant la crise, l’industrie de la construction - l’une des plus archaïques qui existe, disons-le! – avait entrepris une transformation lente mais prometteuse. Nous voyons maintenant plus de collaboration, plus d’innovation, plus de confiance entre les joueurs de notre écosystème, d’un océan à l’autre.
Chaos et changements sont souvent perçus comme des freins à la croissance. Je pense plutôt qu’ils forment une opportunité exceptionnelle, voire une obligation, d’accélérer la transformation de notre industrie. Encore même plus, notre capacité à provoquer et accueillir le changement influencera directement le degré de cette transformation. Voici pourquoi.
Depuis des décennies, nous avons collectivement nourri un mode de travail en silos qui, par la bande, provoquait des conflits, créait des sources de litiges, et négligeait nos intérêts communs. Trop souvent, on met le contrat avant l’objectif du projet dans son ensemble. Pour espérer des changements fondamentaux dans les façons de faire, il faut commencer par la culture pour en créer une d’ouverture, d’innovation, de collaboration et de confiance.
La gestion de la crise de la COVID-19 a été une preuve tangible du potentiel d’une telle culture.
Chez Pomerleau, nous avons rapidement mis en œuvre un plan de réponse à la pandémie que nous avons immédiatement rendu public pour toutes nos parties prenantes. Par la suite, les joueurs de notre industrie, les grands comme les plus petits, se sont réunis pour se serrer les coudes, mettre en commun leur intelligence, et partager leurs meilleures pratiques et leurs apprentissages. Travailleurs, architectes, ingénieurs, clients, entrepreneurs, associations, gouvernement – tous ont participé à l’effort collectif de protéger la santé des travailleurs et de leurs familles, et la pérennité de notre industrie.
Cette expérience on ne peut plus collaborative – une première pour notre industrie – est une démonstration porteuse de notre capacité à travailler ensemble lorsque nous avons des objectifs communs. On doit s’en inspirer pour concevoir les appels d’offres, dont les critères doivent mieux répondre aux besoins réels du projet. Bien sûr, le prix sera toujours important dans la décision, mais on doit considérer, entre autres, l’alignement des intérêts des parties prenantes, l’échéancier de livraison, la flexibilité, la qualité du produit et de l’expérience. On doit aussi intégrer des cibles audacieuses de développement durable de façon beaucoup plus systématique. En plus de la gouvernance, c’est la somme des facteurs retenus pour un projet donné qui doit guider le choix du mode de réalisation dans le meilleur intérêt du client, des donneurs d’ouvrage, des partenaires et des communautés qui l’accueillent.
Cette transformation culturelle est nécessaire et ne peut qu’avoir des effets positifs à court et à long termes pour tous les acteurs de l’industrie. Un changement de culture va forcément nous amener à innover davantage dans tout l’écosystème d’un projet.
D’une part, la transformation de notre industrie passe par notre utilisation judicieuse et collaborative de la technologie. Le processus collaboratif BIM (Building Information Modelling), faisant appel à la modélisation 3D, en est un exemple probant qui a amené les joueurs de la construction, du génie et de l’architecture à collaborer dans la planification et la gestion des projets.
D’autre part, maintenant que nous maitrisons la construction virtuelle, nous devons aller plus loin et saisir d’autres opportunités émanant des données pour créer un retour sur l’investissement comme jamais auparavant. Il y a là un potentiel infini d’offrir des solutions de meilleure qualité, plus rapides, plus écoresponsables, plus intelligentes, beaucoup plus économiques sur le long terme, et franchement plus fun ! Que ce soit par la préfabrication, la robotisation, l’impression 3D, l’intelligence artificielle, et j’en passe, les outils et les occasions de nous dépasser au sein même d’un projet sont nombreux.
Plus près de la gestion de projet, nos équipes, nos partenaires et nos clients sont prêts à adopter de tels changements. Dans le contexte de la pandémie, la majorité de nos collègues ont dû s’adapter au télétravail en moins de 48 h, démontrant leur grande résilience. Ils ont redoublé de créativité pour poursuivre notre mission sans interruption, tout en adoptant des outils collaboratifs et de vidéoconférence très rapidement. La multiplication de solutions connectées et mobiles pour répondre aux besoins des travailleurs en chantier était déjà en mouvement avant la crise, et cela devrait s’accélérer afin de répondre à la nouvelle réalité sanitaire.
J’aime aussi voir l’innovation comme la meilleure façon d’optimiser les façons de faire.
Chez Pomerleau, on s’est engagé, il y a plusieurs mois, à redéfinir nos façons de travailler, que ce soit en essayant de nouvelles approches créatives et en remettant en question les façons de faire habituelles.
Je crois sincèrement que cette démarche nous a, en quelque sorte, préparé à gérer le changement avec résilience : nous avons appris à accueillir le changement, à répondre à la peur, à composer avec l’inquiétude, à vivre avec l’inconfort, à communiquer efficacement et à vivre notre valeur d’adaptabilité.
Les modes collaboratifs auront un impact direct sur notre capacité à être agiles et à travailler conjointement dans des environnements complexes, faisant de nous des entrepreneurs encore plus empathiques, à l’écoute des autres, et socialement et environnementalement responsables. L’effet positif sera instantané et nous donnerons les moyens de réussir à toute une chaîne d’approvisionnement: meilleure formation, technologie et infrastructures de pointe, achat local de matériaux, et plus encore. La transformation sera transversale.
J’ai la profonde conviction que notre industrie est prête pour cette transformation en mode accéléré. Nous avons la maturité, les talents, les moyens et les ressources. Par contre, les décisions des prochains jours seront déterminantes non seulement pour la construction, mais aussi pour notre capacité à innover et positionner le Québec comme un leader mondial.
On débute par les fondations :
Nos gouvernements se sont positionnés pour faire de l’industrie de la construction et du secteur des infrastructures un pilier de la relance économique post-COVID. Aidons-les. Rangeons-nous derrière eux pour les appuyer et les conseiller pour assurer une reprise efficace et responsable. Soyons fiers et démontrons-leur, ainsi qu’à nos familles et amis, que la construction est respectueuse de leur confiance et que nous allons respecter chaque dollar investi. Et surtout, utilisons cette crise comme tremplin pour la transformation de notre industrie; saisissons l’occasion de redéfinir la construction, ensemble, de l’idée à la réalisation, sans compromis.
Ian Kirouac - Vice-président exécutif, Initiatives stratégiques